Un québécois qui bouscule la Rioja

Patricio Brongo éprouve un profond attachement pour le Québec où il est né, et où il a cumulé de nombreuses expériences dans le monde du vin: conseiller à la SAQ, importateur privé et même producteur de cidre. Aujourd’hui installé en Espagne, il est à l’origine d’une révolution dans la région très conservatrice de la Rioja.

Patricio arrive chez Bodegas Moraza en 2013 après avoir rencontré sa conjointe, Janire Moraza, lors d’un salon de vins en Allemagne. Il a été bien accueilli par la famille de son épouse, mais cela n’a pas toujours été évident de faire accepter ses idées, souvent perçues comme très audacieuses dans un petit village traditionnel espagnol. Avant, tous les raisins étaient vinifiés ensemble afin de produire une seule cuvée, mais Janire avait toujours rêvé de faires des vins qui mettent en valeur les qualités du vignoble.

« On voulait vinifier chaque parcelle et chaque cépage séparément afin de comprendre le terroir. On a décidé de vendanger plus tôt, car on voulait faire des vins plus frais contenant moins d’alcool, explique Patricio Brongo. On est à contresens des vins traditionnels. On veut sortir de la surmaturation et du bois comme ça s’est toujours fait ici. »

Janire et Patricio sont maintenant aux commandes d’un domaine de 23 hectares qui appartient à la famille depuis six générations. Situé au cœur de la Rioja Alta, à San Vincente de la Sonsierra, les coteaux sont historiquement reconnus pour donner les raisins les plus qualitatifs de toute la Denominacion de Origen Calificada. La production est naturellement limitée puisqu’elle provient exclusivement de leurs propres vignes et les rendements sont particulièrement bas pour la région.

La philosophie chez Bodegas Moraza est de permettre l’expression des cépages autochtones vinifiés séparément. Des cuvées qui mettent l’accent sur l’éclat du fruit, grâce à des fermentations naturelles exclusivement en cuves béton – ils ont renoncé définitivement à l’utilisation des fûts de chêne depuis 2016. Contrairement à la majorité domaines de la région qui font des vins pour séduire les marchés internationaux, chez Moraza on préconise des interventions minimales au chai, ce qui va complètement à l’encontre des codes classiques de la Rioja. Les vins sont certifiés biologiques et ils ont obtenus la certification biodynamique depuis peu.

Des cuvées nuancées et sans maquillage vinifiées en douceur en contenants neutres, donnant des vins natures au profil fin, épuré, net et précis. Bodegas Moraza vous fera découvrir la face cachée de la Rioja et la réelle expression de ses cépages autochtones en blanc, rouge et rosé!

La Rioja aimable et raffinée

Au terme d’une année passée dans un high school américain pour apprendre l’anglais, Miguel fut honoré de la mention « the friendliest » dans l’album des finissants. Je n’ai aucune difficulté à le croire car dès notre première rencontre, je fus marqué par sa gentillesse et joie de vivre. Au fil du temps, j’ai également pu découvrir la grandeur de l’homme, un être réfléchi et raffiné. Il est cliché de dire que la personnalité du vigneron se transpose dans ses vins, mais je n’ai pu m’empêcher la réflexion en dégustant ce nouvel arrivage: Des vins aimables, mais très raffinés. – Francis M.

Faire l’éloge du « petit » dans le monde du vin peut sembler redondant. Parler des précédentes réussites professionnelles d’un haut placé récemment converti en vigneron peut l’être tout autant. Dans toute l’histoire de Miguel Merino, qui comprend les deux pistes mentionnées ci-haut, d’autres éléments nous apparaissent comme étant bien plus significatifs.

Pour réaliser son rêve de produire du vin, Miguel Merino a choisi de s’installer en 1994 sur la commune de Briones, en Rioja Alta. Il souhaitait avoir accès à des vignes de premier plan pour se lancer dans l’aventure et il cherchait des vieilles vignes en coteaux, plantées sur une variété de sols et qui bénéficiaient de l’influence climatique de l’océan Atlantique. Briones répondait parfaitement aux critères, cette partie de la Rioja bénéficiant d’un climat plus frais permettant la récolte de raisins plus équilibrés. Avec un parcours scolaire en droit et conscient de son déficit de connaissances relié à la chimie du vin, il a instinctivement orienté toutes ses pratiques vers l’obtention de fruits parfaits afin d’avoir à intervenir le moins possible au chai.

Le domaine compte 24 petites parcelles, distribuées sur 13 hectares, toutes situées à un jet de pierre de la maison familiale. On y compte 14 cépages différents dont certains ont été plantés à la fin du 19e siècle. Plusieurs parcelles sont enherbées, certaines sont labourées au cheval et les herbicides y sont proscrits. On y pratique une agriculture durable. Les rendements sont très bas et deux tris sévères permettent des vinifications, en foudre et en inox, pratiquement sans interventions. Les élevages sont faits en barriques, dont certaines mixtes, et en bouteilles comme le veut la tradition locale.

Sur toute la gamme, les parfums demeurent fidèles à leur origine, mais les bouches vous renverseront de par leurs sens de l’équilibre. L’impression de marcher sur un fil vous suivra tout au long de la dégustation. Les vins sont remplis de caractère, de structure et de profondeur, mais se livrent avec une amabilité évidente. Ils se déploient progressivement en bouche sans jamais agresser, de l’attaque à la finale. Une texture fine et satinée rarement rencontrée, toutes régions confondues.

Merino et ses vins n’ont jamais été vraiment médiatisés. Ces dernières années, Tim Atkins, célèbre Master of Wine Anglais désormais journaliste spécialisé, fut le seul à se mouiller sérieusement avec la Rioja. En 2016, il proclamait Merino dans le ‘Top 3’ de la Rioja. Et tout récemment, c’est le titre de winemaking legend qui fut utilisé pour positionner Merino au sein de la hiérarchie. Ne cherchez pas les cotes américaines, l’opération ici est trop petite pour souhaiter les projecteurs.